L’autre soir, il m’a été donné
d’assister à une image assez singulière qui mérite à mon sens d’être soulignée. J’étais assis devant la
boutique d’une proche quand j’aperçois venir en se tenant la main un couple. Jusque là, rien de plus banal me
diriez-vous ; sauf que le couple en question était bicolore. Il s’agissait d’un jeune homme qui devait
avoir une trentaine d’année et la femme, ne devait pas avoir plus de 23 berges.
Pour le
commun des mortels, l’homme est de couleur noire, tandis que la femme est
répertoriée dans la liste des personnes à peau blanche.
Avant de
revenir sur ce couple, amusons-nous un peu autour de cette dichotomie : peau
blanche/peau noire. Mais pourquoi tout le monde s’est mis d’accord pour dire
que le Noir a la peau noire ? En fait, lorsqu’on observe cet épiderme, l’on
se rend compte qu’il est gris, basané ou marron selon les individus.
Quand
à la peau dite blanche que certains vont jusqu’à l’identifier au lait, là
aussi, le parallélisme est fantaisiste. Ces personnes ont plutôt un épiderme
rose. La question est de savoir pourquoi on a hérité de ces vocables erronés.
Les ethnologues s et sociologues sauront mieux élucider cette liberté prise
entre un signe linguistique et son référent.
Revenons à notre
couple qui s’est arrêté pendant quelques
minutes sur la terrasse de la boutique. Inutile de vous que dire que des regards incrédules fusaient de
partout. Des passants se retournaient, des automobilistes négligeaient le
volant pour les observer. Et eux, étaient tous simplement superbes !
Cette scène
assez insolite nous renvoie à la figure le recul du métissage dans notre pays.
Et pourtant, ce pays a connu un brassage ethnique formidable à l’aube des
indépendances. Dans les années 60 et 70,
on comptait beaucoup de couples mixtes, dans les grandes agglomérations du
pays.
Qui parmi nous n’a pas joué avec un garçon
dont le père est halpular de Boghé et la mère, d’une arabe du grand Adrar ?
De la même manière, l’on voyait avec la
plus grande banalité une fillette vêtue d’une camisole identique à celles
portées par les filles du quartier Gattaga de Kaédi, le teint rose à souhait
porter des tresses et s’exprimer dans un
soninké parfait.
Je me permettrais
d’évoquer ici la mémoire de la mère d’un de mes amis métis. Cette excellente
femme mauresque était ce qu’on peut appeler une maman poule. A l’époque, nous
n’étions que des gamins allant sur les
huit neuf ans. Nous aimions aller passer la journée dans cette famille. Nous
savions que le père allait au travail
pendant toute la journée. Cette femme d’une grande indulgence nous cuisinait
des plats. Il faut le dire aussi, elle nous a permis de fumer nos premières
cigarettes. En ces temps, tirer sur une
cigarette à 10 ans, équivaut de nos jours à être surpris, un joint de cannabis
à la main, encore que...
Dans ce
pays, des exemples de couples de deux races étaient multipliés à l’infini.
C’est seulement au cours de ces vingt dernières années que l’on a observé une
raréfaction des couples mixtes. Les communautés se sont mises à faire attention
à leur différence génétique, et à creuser un fossé entre les uns et les autres.
Ceci à tel point que lorsque deux amis Mauritaniens de races différentes se
retrouvent pour deviser le plus naturellement autour d’un thé, comme le feraient deux vieux potes quelque
part sur cette terre, les gens se retournent pour les observer.
Quand deux
amis de ce même profil s’étreignent dans une franche accolade, il se trouvera
toujours des gens pour les regarder comme des bêtes curieuses. Et ça, c’est
laid !
Ce que certains ignorent, c’est qu’il existe très
souvent des liens si forts entre un maure de Mederdra et un vis-à-vis natif de Djéol qu’on ne trouvera pas entre personnes
de même communauté d’origine.
C’est pour
cela que l’image de ce couple m’a conquise. Je le suis d’autant qu’ils sont jeunes,
beaux et renvoient un formidable message de cohésion. Qu’ils continuent de provoquer des regards
interloqués. Et s’ils avaient trouvé la solution !
En tout cas
dans cette histoire, comme disent nos amis ivoiriens : les jaloux vont
maigrir.
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