A
Nouakchott, plusieurs animaux domestiques partagent notre vie de citadins. De
par la place qu’ils occupent dans notre société, ils ne sont bien évidemment
pas tous logés à la même enseigne. En tout cas, une chose est certaine
: ils ont tous leur utilité et ne serait-ce que pour cela, ils méritent qu’on
les traite avec un brin d’humanité. Aussi, sur la liste des animaux qui
auraient bien aimé émigrer vers des horizons plus cléments, un vient en pole
position.
Il répond au signalement suivant :
quadrupède court sur pattes à robe grise ou baie, sa tête légèrement
volumineuse rappelle celle d’un cousin à la noblesse plus affirmée à la
différence des oreilles que notre bête a en plus grand. Il est plutôt de
nature placide même si les mauvaises langues dénigrent son entêtement. Signe
particulier : il lui arrive de s’exprimer bruyamment, quand on s’y
attend le moins et de préférence, la nuit, quand la terre est froide. Il est,
et c’est l’image la plus courante, la bête que l’on voit et, c’est
affligeant, croulant sous les poids astronomiques qu’on lui met sur l’échine.
Si vous ne voyez toujours pas, allez ! J’ai nommé l’âne. Oui, cette
bête que l’on rencontre à chaque coin de rue dans notre belle capitale. Mais,
le baudet est en maltraitance sous nos cieux. Devant cette situation si
révoltante, l’on est en colère sans réserve à l’endroit des personnes qui
exploitent ces pauvres bêtes. En effet, il est difficile de soutenir le
spectacle des ânes ahanant, soufflant, avançant en tirant des dizaines de
paquets de fer que la caisse d’un camion pourrait contenir. L’on demeure tout
autant ému lorsque l’on assiste au spectacle de l’oreillard, debout au milieu
de la rue, perdu devant les files de voitures, les narines dilatées sous
l’effort d’innombrables colis de marchandises qu’un commerçant radin n’a pas
eu le cœur d’embarquer dans un véhicule. Et comme si cela ne suffisait pas,
il doit aussi assurer le transport de son maître. Ce dernier, sans la moindre
scrupule, prend place sur la charrette que tire l’animal et ne se prive pas
de le rouer de coups pour le faire avancer. Et les jurons ! C’est connu : un
charretier, ça jure, mais, avez-vous vu comment jurent ceux de
Nouakchott ? Ce sont sans conteste les meilleurs dans l’art de proférer des
perles d’insanités. Ils maudissent les pauvres bêtes avec un tel acharnement
qu’il arrive parfois que l’on se retourne croyant être leur cible. S’ils ne
s’en tenaient qu’à cela ? En définitive, le sort des ânes à Nouakchott mérite
qu’on en parle. C’est sûr qu’un âne n’est rien moins qu’un animal et qu’il
est un bien, mais c’est avant tout un être vivant, par conséquent, il doit
être traité avec humanité. L’on peut faire travailler un animal en lui
assignant un rythme convenable, en lui donnant une alimentation proportionnelle
aux tâches qu’il exécute, en lui allouant un temps de repos nécessaire à la
récupération. Ce qui est loin du cas de nos baudets nationaux qui ne sont
épargnés que la nuit et même cela, c’est avec les pattes entravées
mâchouillant du papier cellophane. Il sera loin le jour où nos ânes seront
déchargés de leurs bâts mais pour l’heure faisons en sorte de limiter leur
calvaire en réglementant les poids de charge. C’est tout sauf de l’utopie.
Biri N’diaye |
dimanche 25 mars 2012
Moi, âne à Nouakchott
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Toubadilou
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