dimanche 25 mars 2012

Moi, âne à Nouakchott



A Nouakchott, plusieurs animaux domestiques partagent notre vie de citadins. De par la place qu’ils occupent dans notre société, ils ne sont bien évidemment pas tous logés à la même enseigne.  En tout cas, une chose est certaine : ils ont tous leur utilité et ne serait-ce que pour cela, ils méritent qu’on les traite avec un brin d’humanité. Aussi, sur la liste des animaux qui auraient bien aimé émigrer vers des horizons plus cléments, un vient en pole position.

Il répond au signalement suivant : quadrupède court sur pattes à robe grise ou baie, sa tête légèrement volumineuse rappelle celle d’un cousin à la noblesse plus affirmée à la différence des oreilles que notre bête a en plus grand. Il est plutôt de nature placide même si les mauvaises langues dénigrent son entêtement. Signe particulier : il  lui arrive de s’exprimer bruyamment, quand on s’y attend le moins et de préférence, la nuit, quand la terre est froide. Il est, et c’est l’image la  plus courante, la bête que l’on voit et, c’est affligeant, croulant sous les poids astronomiques qu’on lui met sur l’échine. Si vous ne voyez toujours pas, allez ! J’ai nommé l’âne. Oui,  cette bête que l’on rencontre à chaque coin de rue dans notre belle capitale. Mais, le baudet est en maltraitance sous nos cieux. Devant cette situation si révoltante, l’on est en colère sans réserve à l’endroit des personnes qui exploitent ces pauvres bêtes. En effet, il est difficile de soutenir le spectacle des ânes ahanant, soufflant, avançant en tirant des dizaines de paquets de fer que la caisse d’un camion pourrait contenir. L’on demeure tout autant ému lorsque l’on assiste au spectacle de l’oreillard, debout au milieu de la rue, perdu devant les files de voitures, les narines dilatées sous l’effort d’innombrables colis de marchandises qu’un commerçant radin n’a pas eu le cœur d’embarquer dans un véhicule. Et comme si cela ne suffisait pas, il doit aussi assurer le transport de son maître. Ce dernier, sans la moindre scrupule, prend place sur la charrette que tire l’animal et ne se prive pas de le rouer de coups pour le faire avancer. Et les jurons ! C’est connu : un charretier, ça jure, mais, avez-vous  vu comment jurent ceux de Nouakchott ? Ce sont sans conteste les meilleurs dans l’art de proférer des perles d’insanités. Ils maudissent les pauvres bêtes avec un tel acharnement qu’il arrive parfois que l’on se retourne croyant être leur cible. S’ils ne s’en tenaient qu’à cela ? En définitive, le sort des ânes à Nouakchott mérite qu’on en parle. C’est sûr qu’un âne n’est rien moins qu’un animal et qu’il est un bien, mais c’est avant tout un être vivant, par conséquent, il doit être traité avec humanité. L’on peut faire travailler un animal en lui assignant un rythme convenable, en lui donnant une alimentation proportionnelle aux tâches qu’il exécute, en lui allouant un temps de repos nécessaire à la récupération. Ce qui est loin du cas de nos baudets nationaux qui ne sont épargnés que la nuit et même cela, c’est avec les pattes entravées mâchouillant du papier cellophane. Il sera loin le jour où nos ânes seront déchargés de leurs bâts mais pour l’heure faisons en sorte de limiter leur calvaire en réglementant les poids de charge. C’est tout sauf de l’utopie.
Biri N’diaye

mardi 13 mars 2012

Erin

Hier, 12 mars, j'ai reçu la visite d'Erin Pettigrew, une excellente amie Américaine que l'ai connue il y a 9 ans lorsqu'elle faisait son service de Volontaire du Corps de la Paix à Kaedi. C’est une personne attachante, pleine d'esprit et d'une très bonne moralité. A chaque fois qu'elle est  de passage à Nouakchott, elle ne manque pas de venir me visiter. Nous avons passé de très bons moments avec ma famille. Nous avons déjeuné ensemble avec ma famille, bien sûr, l'essentiel de nos discussions revenaient sur les moments forts passés au Peace Corps, sur nos amis communs, mais aussi sur des sujets historiques de plusieurs genre. Avec Erin, je ne me lasse pas de discuter et ça me fait du bien d'échanger avec quelqu’un  d'aussi humble et correcte.

mardi 6 mars 2012

Abattus à bout portant



Ces dernières 48 heures, il se passe des scènes difficilement soutenables dans certains quartiers de Nouakchott. Il s’agit de l’abatage sauvage de chiens errants.  Les services vétérinaires nous avaient habitués à des campagnes d’éradication de chiens et de chats errants par le passé. Tant qu’ils procédaient à l’empoisonnement des bêtes, ça passait, quant on sait que des meutes de chiens sans maîtres écumaient certains quartiers de la ville. L’on sait aussi que ces animaux s’attaquaient fréquemment aux enfants et aux  marcheurs solitaires ; sans compter qu’ils sont des vecteurs de la rage. Ce qui est blâmable pour la présente campagne, c’est le procédé. En effet, imaginez  un minicar avec à son bord un élément de la Garde Nationale armé d’un fusil. Deux hommes gantés marchent derrière le véhicule. Lorsqu’un chien est en vue, le soldat  descend de la voiture, arme son fusil et abat la bête sous les cris des enfants.  Quelques secondes plus tard, les deux hommes qui suivent  à pied se saisissent du cadavre encore chaud du chien et le jettent dans le minicar. L’image du chien abattu à bout portant  par des balles est choquante. C’est regrettable  d’assister à ces pratiques d’un autre âge.

                                                                                                         Biri NDiaye  http://birindiaye.blogspot.com/

mercredi 29 février 2012

Secrétaires si particulières



Lorsque vous devez aller à l’assaut de l’Administration de ce pays pour le moindre petit bobo, vous en prenez déjà un sacré coup au moral avant d'avoir quitté votre place. Tout monde ne le sait que trop. Pour obtenir le moindre papier d’un quelconque service, il faut «motiver», entendez par là, débourser 500UM pour le prix du timbre fiscal qui vaut 200UM quand vous avez eu la malchance de perdre votre pièce d’identité. En fait, elle est tellement minuscule qu’on ne sait pas trop où la ranger et il faut sans cesse la dupliquer.

Là, ça passe tant que c’est le blé qui parle. C’est lorsque vous devez rencontrer un haut fonctionnaire pour la raison que vous voulez que les choses se gâtent. Ici, vous devez passer au crible des secrétaires.


 Celles là ! Elles ont toute une batterie de subterfuges pour entamer le moral des demandeurs d’audience les plus teigneux. Cela commence par un casting en règle. Dès que vous avez pointé votre tronche dans le secrétariat, elles vous fusillent du regard et vous jaugent. En un coup d’un coup d’œil, c’est plié. Ou vous avez tapé dans son œil, dans ce cas, votre requête est sollicitée, étudiée et traitée dans la minute ou bien, votre entrée en scène a été un cuisant fiasco et dans ce cas, l’attitude la plus probable est que la maîtresse des lieux vous joue le coup de la myope et, vous êtes tout simplement transparent ! 


Alors, ceux qui ont lu les préceptes du parfait yogi font montre d’esprit. Ils ont vite fait d’établir une connexion spirituelle en dissertant sur tout et de préférence sur les thèmes fouettant l’ego de ces dames qui ne tarderont pas craquer.Ça y est, c’est dans la poche !

 D’autres, plus sanguins, libéreront toutes leurs frustrations sur place et intenteront un procès bruyant et sans concession à l’Administration. Comme ce fut le cas la semaine dernière dans le cabinet du Directeur du Matériel. Un citoyen certainement frustré de se voir ballotté d’un service à un autre s’est véritablement lâché en déversant un chapelet de noms d’oiseaux à l’endroit de tous ceux qui bossent dans le circuit administratif, bloquent l’entrée des bureaux des hauts cadres et jettent dans les tiroirs les dossiers des petites gens.
 Pour contourner cette muraille, les citoyens ont depuis trouvé une parade parfaitement au point. Il s’agit tout simplement de se mettre sur son 31 !  Oui, la sape, rien que ça pour faire impression. Tout le monde s’est passé le mot : si vous voulez rencontrer un Secrétaire Général ou son boss, habillez-vous du boubou bazin le plus flamboyant que vous aurez emprunté au blanchisseur moyennant ristourne, aspergez-vous de quelques gouttes d’un de ces parfums capiteux dont les Français ont le secret, mettez-vous aux pieds, des chaussures italiennes de pur cuir, celles qui refilent la migraine si  l’on a  le culot de demander le prix au Marché de la Capitale. Enfin, ça c’est pour ceux qui vivent de budgets fermés. Pour finir, munissez-vous du téléphone portable dernier cri de la série haut de gamme et priez pour qu’il sonne à côté du planton. Et le tour est joué !
 Le phénomène s’est tellement  répandu que la Direction du Budget vers où convergent chaque matin une horde de personnes aux attentes les plus surprenantes ressemble de plus en plus à une piste de défilé de mode.
 Dans les couloirs des ministères, il vous arrive souvent de pouffer de rire en croisant une vielle connaissance d’infortune vêtue d’un costard digne d'Omar Bongo ! Et les pompes, je ne vous dis pas !
 Bien sûr, il fera mine de ne pas vous connaître.


Mais, que voulez-vous ? C’est la carte qu’il  faut abattre. C’est à qui aura gagné la palme de la séduction. Si tout cela n’est pas atterrant….  


                                                                                                              Biri NDiaye
                                                                                                              03/12/2008
                                                                                                             http://birindiaye.blogspot.com/

samedi 25 février 2012

La bonne leçon


L’autre soir, il m’a été donné d’assister à une image assez singulière qui mérite à mon sens  d’être soulignée. J’étais assis devant la boutique d’une proche quand j’aperçois venir en se tenant la main  un couple. Jusque là, rien de plus banal me diriez-vous ; sauf que le couple en question était  bicolore. Il s’agissait d’un jeune homme qui devait avoir une trentaine d’année et la femme, ne devait pas avoir plus de 23 berges.
Pour le commun des mortels, l’homme est de couleur noire, tandis que la femme est répertoriée dans la liste des personnes à peau blanche.
Avant de revenir sur ce couple, amusons-nous un peu  autour de cette dichotomie : peau blanche/peau noire. Mais pourquoi tout le monde s’est mis d’accord pour dire que le Noir a la peau noire ? En fait, lorsqu’on observe cet épiderme, l’on se rend compte qu’il est gris, basané ou marron selon les individus.
Quand à la peau dite blanche que certains vont jusqu’à l’identifier au lait, là aussi, le parallélisme est fantaisiste. Ces personnes ont plutôt un épiderme rose. La question est de savoir pourquoi on a hérité de ces vocables erronés. Les ethnologues s et sociologues sauront mieux élucider cette liberté prise entre un signe linguistique et son référent.
Revenons à notre couple qui s’est  arrêté pendant quelques minutes sur la terrasse de la boutique. Inutile de vous que  dire que des regards incrédules fusaient de partout. Des passants se retournaient, des automobilistes négligeaient le volant pour les observer. Et eux, étaient tous simplement superbes !
Cette scène assez insolite nous renvoie à la figure le recul du métissage dans notre pays. Et pourtant, ce pays a connu un brassage ethnique formidable à l’aube des indépendances. Dans les années  60 et 70, on comptait beaucoup de couples mixtes, dans les grandes agglomérations du pays.
 Qui parmi nous n’a pas joué avec un garçon dont le père est halpular de Boghé et la mère, d’une arabe du grand Adrar ? De la même manière,  l’on voyait avec la plus grande banalité une fillette vêtue d’une camisole identique à celles portées par les filles du quartier Gattaga de Kaédi, le teint rose à souhait porter des tresses et s’exprimer  dans un soninké parfait. 
Je me permettrais d’évoquer ici la mémoire de la mère d’un de mes amis métis. Cette excellente femme mauresque était ce qu’on peut appeler une maman poule. A l’époque, nous n’étions que des  gamins allant sur les huit neuf ans. Nous aimions aller passer la journée dans cette famille. Nous savions que le père  allait au travail pendant toute la journée. Cette femme d’une grande indulgence nous cuisinait des plats. Il faut le dire aussi, elle nous a permis de fumer nos premières cigarettes.  En ces temps, tirer sur une cigarette à 10 ans, équivaut de nos jours à être surpris, un joint de cannabis à la main, encore que...
Dans ce pays, des exemples de couples de deux races étaient multipliés à l’infini. C’est seulement au cours de ces vingt dernières années que l’on a observé une raréfaction des couples mixtes. Les communautés se sont mises à faire attention à leur différence génétique, et à creuser un fossé entre les uns et les autres.  Ceci à tel point que lorsque  deux amis Mauritaniens de races différentes se retrouvent pour deviser le plus naturellement autour d’un thé,  comme le feraient deux vieux potes quelque part sur cette terre, les gens se retournent pour les observer.
Quand deux amis de ce même profil s’étreignent dans une franche accolade, il se trouvera toujours des gens pour les regarder comme des bêtes curieuses. Et ça, c’est laid !
 Ce que certains ignorent, c’est qu’il existe très souvent des liens si forts entre un maure de Mederdra et un vis-à-vis natif  de Djéol qu’on ne trouvera pas entre personnes de même   communauté d’origine.
C’est pour cela que l’image de ce couple m’a conquise. Je le suis d’autant qu’ils sont jeunes, beaux et renvoient un formidable message de cohésion.  Qu’ils continuent de provoquer des regards interloqués. Et s’ils avaient trouvé la solution ! 
En tout cas dans cette histoire, comme disent nos amis ivoiriens : les jaloux vont maigrir.
                                                                                                                           
                                                                                                           




                                                                      http://birindiaye.blogspot.com/ Biri NDiaye

samedi 18 février 2012

Aimé Cesaire


Aimé Césaire: Si loin et si proche

 
Aimé Césaire, le dernier des trois pères fondateurs et principaux animateurs du mouvement d’émancipation et ardent défenseur de l’homme noir, a tiré sa révérence le jeudi 17 avril 2008. 
A 94 ans, celui par qui le mot négritude doit la vie un jour de l’an 1939, s’en est allé après près d’un siècle d’une vie dont la richesse n’a d’égale que la dimension de l’homme.


Le grand théâtre qu’est la vie voit venir au monde des hommes aux destins divers. Il en est qui naissent, jouent leur partition et disparaissent dans le plus grand anonymat c’est le cas de l’écrasante majorité des mortels. D’autres arrivent avec une cuillère en or dans la bouche, ils sont eux, « programmés » pour accomplir de grandes actions. Toutes les conditions sont mises à leur profit pour l’aboutissement de leurs « missions ». Mais, il y’en a aussi qui, bien que venus au monde dans la modestie la plus primaire, n’en parviennent pas moins à forcer le destin à imprimer à leur vie un sceau particulier. Ceux là sont rares.
 L’Histoire humaine en a connu. Aimé Césaire, homme de lettres et homme politique martiniquais fait incontestablement partie de ces grands hommes. En effet, seule la volonté de ce fils de petit fonctionnaire l’a amenée à sortir de l’ornière. Né en 1913 à Basse Pointe en Martinique, il a toujours été un brillant élève. C’est ce qui lui a valu d’obtenir une bourse pour la métropole qu’il gagne en 1931 pour poursuivre ses études. Cette époque constituant une phase charnière du bouillonnement culturel de la jeunesse noire au Quartier latin. C’est tout naturellement qu’il rencontra à Paris la crème de l’intelligentsia noire. En 1934, au lycée Louis le Grand, il fait la rencontre du sénégalais Léopold Sédar Senghor, Léon Gontran Damas, le guyanais. Les trois jeunes hommes fondent le journal l’Etudiant noir dont ils sont les principaux animateurs. D’autres jeunes intellectuels de la diaspora noire participent également aux publications du journal qui est devenu en quelques temps la caisse de résonance de tous les militants de la lutte pour les indépendances et l’éveil de la conscience noire. Les sénégalais Birago Diop, auteur des truculents Contes d’Amadou Coumba et Ousmane Socé, le père du non moins célèbre roman Karim, ont eux aussi participé à la diffusion de cet outil ô combien décisif à l’époque. L’esprit de la revue était également de pousser les jeunes cerveaux africains au refus de l’assimilation et à l’émancipation à l’endroit de la culture occidentale traditionnelle ou moderne.
Et le concept de négritude fut
C’est dans cette perspective qu’est né le concept de négritude, néologisme que Césaire a inventé et qui aura une entrée en tant que mot de la langue française dans les dictionnaires et qu’il définit par ces mots : « la négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir et l’acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire, de notre culture. » Ce terme à consonance très péjorative a été revendiqué et imposé par ces précurseurs. Ils en ont fait l’emblème que toute la classe noire opprimée et déracinée arbore désormais sans le moindre complexe. 1939 constitue une étape importante dans la vie de Césaire qui publie un long poème intitulé Cahier d’un retour au pays natal, méditation à la fois lyrique et engagée où, à partir de son expérience personnelle faite de déchirement est fortement influencée par les théories surréalistes. Toutefois, cette position glissera progressivement du ton mesuré qu’on lui connaissait vers un discours de révolte qui voit déjà se dessiner la dimension de l’homme politique qu’il sera .Aimé Césaire élu maire de Fort-de-France et député de la Martinique se fait en effet le porte-parole de la revendication d’indépendance.
La littérature au service de la politique
En 1955, la parution du pamphlet Discours sur le colonialisme dont le ton est radicalement indépendant marque l’engagement politique de l’homme qui commence par adhérer au Parti communiste français qu’il quittera par la suite. La suite de ses productions littéraires continue à être prolixe. C’est ainsi qu’après avoir touché un peu au roman historique avec Toussaint Louverture, figure emblématique de la lutte d’indépendance noire et fondatrice de Haïti, la première république noire, Césaire, comme si le lyrisme l’enfermait dans des carcans, s’essaye au théâtre avec La tragédie du roi Christophe où il met en action les thèmes poétiques de la révolte et de la négritude confrontée aux dérives du pouvoir. Aimé Césaire est donc à la fois cet homme si proche et si lointain. La longévité qu’il a eue en commun avec son aîné Senghor et le long compagnonnage que tous deux ont eu avec le vingtième siècle n’ont altéré en rien sa lucidité et sa détermination demeurées intactes jusqu’à ses dernières heures, en témoigne le clash qu’il a provoqué en 2005 quand il a refusé de recevoir un certain Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur qui voulait faire accepter le caractère positif de la colonisation. Ce n’est que quand ce dernier est revenu sur sa position que le patriarche, maire honoraire de Fort-de-France s’est résolu à le laisser trôner à ses côtés. Ce même Sarkozy en prince magnanime a dès qu’il a appris le décès du poète, décidé de lui organiser des obsèques nationales. D’autres voix se lèvent aussi pour réclamer l’inhumation du grand homme au Panthéon pour couronner et magnifier la dimension exceptionnelle qu’il incarnait. Ce serait une première pour un homme Noir. Mais, encore une fois, le destin se laissera-il influencer ? Pas sûr qu’il l’eût apprécié. Lui qui a toujours refusé les honneurs. 

                                                                                                                          
                                                                                                Biri NDiaye 
                                                                                                 20/04/2008
                                                                                                 http://birindiaye.blogspot.com/

vendredi 17 février 2012

Kaedi by night



Il ne fait pas bon de débarquer à Kaedi ces temps ci par une nuit sans lune. Ca l’est autant pour les étrangers que pour les natifs de la cité. Il faut reconnaître que la ville est mal éclairée. On entre à Kaedi par tous les côtés mais ce sont les voyageurs provenant nuitamment de Nouakchott qui ressentent le plus cette opacité. Ceci vient du fait que les venants de Nouakchott arrivent avec les lumières de la capitale plein les yeux
Il n’est pas fréquent d’entendre de la bouche d’un voyageur : « Qu’est ce que c’est sombre ici ! Les kaediens sont les oubliés de la Mauritanie.» Cette remarque aussi laconique soit elle traduit tout le dépit des ressortissants de la 4eme wilaya. Il faut dire que cette situation n’est qu’une partie des difficultés rencontrées ici..

Pour la petite histoire il faut savoir que Kaedi fait partie des toutes premières villes mauritaniennes à être dotée d’un réseau électrique. La preuve est que les jeunes ressortissants de Kaedi prenaient un plaisir évident à se moquer des fils des localités
voisines que sont le Guidimakha ou le Brakna. En général, la boutade que l’on sortait était : «Nous autres kaediens sommes nés et avons vu sur nos têtes des ampoules électriques, nous sommes nés sous le jet continu des robinets»
Ces remarques distillées avec une pointe d’ ironie avaient le dont de monter les élèves des autres localités contre les kaediens dans les discussions passionnées des dortoirs et des réfectoires du lycée de Kaedi pendant les beaux jours de l’internat

Si cette situation faisait la fierté des kaediens, il faut noter que tout cela ne fait plus que l’effet de vieux souvenirs. Finis ces temps bénis où toutes les rues principales de la ville étaient illuminées dès que l’astre solaire commençait à amorcer sa descente vers le couchant. En ces temps, les lampadaires disposés dans toute la ville avaient le mérite d’éclairer le chemin du promeneur noctambule, d’encourager les poltrons à emprunter les chemins obscurs. Ces ruelles qui selon les croyances populaires, étaient les repaires des djinns et lutins malicieux.

Les mêmes lampadaires avaient également le rôle d’éclairer la lecture des étudiants en Islam qui, faute d’électricité chez le maître, la nuit, se constituaient en groupes de trois ou quatre personnes et se mettaient à psalmodier des versets du Saint Coran jusque tard dans la nuit.

En revanche, l’éclairage public ne faisait pas que des heureux. Il existait des concessions au dessus desquelles la lampe publique s’allumait toute la soirée et indisposait toute la maison en les soumettant sous les faisceaux lumineux toute la soirée. Dans ces cas précis, des enfants se chargeaient à l’aide de lances pierres de crever les ampoules.

Pour ceux qui étaient victimes des cantharides, insectes nocturnes qui, attirés par la lumière laissent sur le corps des brûlures parfois très spectaculaires, les lampadaires constituaient un supplice. Dans tous les cas, ces désagréments ne sont rien à côté de l’image ténébreuse que donne Kaedi actuellement. Ceci est d’autant plus vrai que la ville ne cesse de s’étendre et c’est une extension qui laisse en rade des soucis de sécurité.

En effet, depuis quelques années, des cas de braquages et de vols se sont multipliés à Kaedi pendant la saison des grandes chaleurs. Les habitants ont l’habitude de dormir dehors et les filous n’ont qu’à se faufiler dans l’obscurité pour dérober des biens. Il est grand temps que l’on se réveille et que l’on décide de mettre sur pied une réelle stratégie de développement des villes de l’intérieur. On peut comprendre que l’on soit réticent à électrifier des habitats ruraux même si cela paraît arbitraire, mais qu’est ce que cela coûte de réhabiliter un réseau déjà existant depuis des lustres ?


                                                                                                                     Biri Ndiaye


                                                                                                                     28/06/2007

                                                                                                                                   http://birindiaye.blogspot.com/